Une loi vient d’être votée à Genève. Cette loi amalgame vape et tabac, elle interdira toute publicité qui pourrait inciter les fumeurs à passer à la vape et interdira le “diagnostique” que les boutiques de vape pratiquent pour aider les fumeurs à arrêter de fumer.
Cette loi aura des effets positifs : Elle interdira la vente de tabac au mineurs car à Genève, jusqu’à ce jour un enfant pouvait acheter son paquet de clopes en toute légalité.
Cependant il me semble clair que ce qui a motivé cette loi n’est pas la protection contre le tabagisme puisqu’elle a été proposée suite à la légalisation de la vente de e-liquides contenant de la nicotine. C’est donc selon moi une loi anti-vape déguisée en loi anti-tabac.
En matière de santé publique, il devrait être question de santé.
L’interdiction de vapoter dans les lieux publics a été justifiée par le principe de précautions. Selon wikipedia, trois principes spécifiques devraient guider le recours au principe de précaution :
- la mise en œuvre du principe devrait être fondée sur une évaluation scientifique aussi complète que possible. Cette évaluation devrait, dans la mesure du possible, déterminer à chaque étape le degré d’incertitude scientifique ;
- toute décision d’agir ou de ne pas agir en vertu du principe de précaution devrait être précédée par une évaluation du risque et des conséquences potentielles de l’absence d’action ;
- dès que les résultats de l’évaluation scientifique ou de l’évaluation du risque sont disponibles, toutes les parties intéressées devraient avoir la possibilité de participer à l’étude des diverses actions envisageables.
Outre ces principes spécifiques, les principes généraux d’une bonne gestion des risques restent applicables lorsque le principe de précaution est invoqué. Il s’agit des cinq principes suivants :
- la proportionnalité entre les mesures prises et le niveau de protection recherché ;
- la non-discrimination dans l’application des mesures ;
- la cohérence des mesures avec celles déjà prises dans des situations similaires ;
- l’examen des avantages et des charges résultant de l’action ou de l’absence d’action ;
- le réexamen des mesures à la lumière de l’évolution des connaissances scientifique (principe révisable).
Dans le cas de la loi genevoise, l’évaluation scientifique a consisté à interroger le médecin cantonal ainsi que le Dr. Humair. Les politiques ont suivis les conseils des deux spécialistes interrogés et de ce point de vue ils ont fait leur job. Le médecin cantonal n’est pas un spécialiste de la vape et son discours me m’a pas impressionné par une connaissance particulière du sujet, ce que je comprend très bien. La désinformation en matière de vape est telle qu’il faut vraiment être pointu dans l’analyse du sujet et ce n’est pas son domaine. En revanche il est étonnant que le Dr Humair tienne également à interdire aux boutiques de vape la possibilité de faire leur travail. A ma connaissance il ne s’est pas exprimé sur ce sujet. Dans les deux cas, l’évaluation scientifique n’a pas été citée précisément. Ils se sont sans-doute basé sur le Swiss-Vap Study, qui remonte à 2014. La recherche sur la vape ayant commencé sérieusement en 2013, il conviendrait de mettre à jour ces données. Pour l’heure la position officielle ne semble pas avoir fait l’objet de changements.
Ce que dit le SwissVap Study :
5.2.3 Use
The risk for the renormalization of smoking, as well as the currently unknown effects of passive vaping, motivated the experts to recommend that e-cigs should be banned from closed public places.
A ceci je souhaite répondre :
- Les boutiques de vape sont dédiées aux fumeurs et aux vapoteurs. Il n’y a donc pas un risque prépondérant d’exposition des non fumeurs dans une boutique de vape.
- Cette loi interdira également aux médecins, tabacologues et autres centres anti-tabac de tester la vape en tant que méthode de cessation tabagique.
- La vape ne peut pas re-normaliser le tabagisme car elle n’est pas du tabac. Un nouveau produit n’a généralement pas pour effet de relancer la consommation d’un ancien produit. Un nouveau produit va au contraire généralement remplacer l’ancien. (CD vs vinyle et photo numérique vs argentique sont deux exemples). Elle peut en revanche faire en sorte que la cessation tabagique devienne “tendance”.
- Depuis 2014, un certain nombre de nouvelles études sur le “vapotage passif” ont été publiées, notamment plusieurs méta-analyses. Les risques du vapotage passif ne sont donc pas inconnus et il est abusif d’invoquer le principe de précaution lorsqu’on dispose des connaissances nécessaires.
- Dans aucun cas, lorsqu’un nouveau médicament arrive sur le marché, l’autorité ne demande 50 ans de recul. Pour évaluer le risque à long terme, on va généralement le “deviner” en étudiant la toxicité du produit.
- Cette interdiction va à l’encontre des droits de l’homme et du citoyen dont l’article 4 dit : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui . Si on considère que le vapotage passif n’est pas toxique, c’est à dire que les émissions que cela induit ne sont pas en dessus des normes admises, (ce que disent les études scientifiques publiées à ce jour sur le sujet) alors l’interdiction de vapoter dans les lieux publics est une interdiction comportementale. Cela revient à interdire un geste, et ce n’est pas admissible dans un pays qui tend à respecter la liberté individuelle.
- Le principe de proportionnalité n’a pas été respecté.
- La non-discrimination n’a pas été respectée
- L’examen des avantages et des charges n’a pas été exposé
- Les mesures de ré-exemen n’ont pas été évoquées.
D’une manière générale on constate un “glissement” de la lute anti-tabac vers une lute anti-nicotine. Le problème n’est plus la morbidité du tabac, mais la dépendance. Pour luter contre le tabac, voyant qu’une explication cohérente des risques ne suffit pas à faire décrocher toutes les personnes dépendantes, voyant que la cigarette est extrêmement addictive et que malgré l’encadrement de tabacologue, nombre de fumeurs sont incapables de cesser de fumer, parfois même lorsque leur vie en dépend, voyant que la prévalence tabagique stagne, les anti-tabac en sont venu à penser qu’il faut “dénormaliser” l’acte de fumer. Ainsi, ils lutent contre l’image glamour de la cigarette.