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Introduction
La vape est un outil d’aide à la cessation tabagique. La qualité de nos conseils est importante dans la démarche d’arrêt. Le choix de l’appareil, de l’arôme et du dosage sont décisifs dans le processus. Mais comment pouvons-nous évaluer l’efficacité de notre travail ? Nous avons constaté un biais d’analyse majeur : Les clients contents reviennent nous voir. A l’inverse un client insatisfait peut soit arrêter la vape, soit aller dans une autre boutique où il va se plaindre du piètre service reçu chez nous. On ne dispose que rarement des retours négatifs et donc on se croit en toute bonne fois excellents. A l’inverse nos confrères nous semblent incompétents car nous avons récupérés certains de leurs clients insatisfaits. Le problème surviens lorsqu’on découvre que chaque boutique, en particulier celles dont nous avons eu des retours catastrophiques, pense également être la meilleure boutique du monde et qu’elle trouve pour ce faire une justification qui n’est pas étayée par des chiffres.
Cela nous amène à une remise en question impossible car ce sont les échecs qui nous permettent de nous améliorer. Quelle est la meilleure approche lorsqu’on souhaite aider un fumeur à passer à la vape ? Chacun voit midi à sa porte.
Pour y voir plus clair la boutique Fumerolles a mis en place un système de suivis de ses clients de manière à récolter non seulement les retours positifs, mais également les retours négatifs. Ce travail n’a pas de prétention scientifique. Nous avons fait de notre mieux mais cela ne remplace en rien une étude indépendante, randomisée et validée. Parmi les limitations de notre travail, il faut mentionner le fait que nous nous basons sur les réponses reçues et que le taux de réponse est de 40% environ. Nous ne savons pas ce qui est arrivé aux 60% de non-répondants. Une autre limitation de cette étude est qu’elle ne s’applique qu’à notre propre façon de travailler, nous ne disposons d’aucune comparaison.
Matériel et Méthode
Nous avons effectué durant un an une procédure « primo » auprès de chaque vapoteur débutant. Au total nous avons collecté une fiche pour 877 fumeurs entre septembre 2018 et septembre 2019. Avec chacune de ces personnes, nous avons remplis un formulaire pour évaluer leur « profil tabagique ». Cela comprenait un questionnaire classique de tabacologie, le « Fagerstrom » ainsi que diverses autres questions destinées à estimer la consommation journalière en nicotine du fumeur. Puis le primo-accédant a effectué une série de tests pour voir quel type d’appareil lui convient le mieux, quel dosage de nicotine il supporte et quels arômes lui conviennent.
- Lorsque notre “diagnostique” pointait vers une faible dépendance physique, nous avons privilégié le plaisir de vapoter. Typiquement des personnes allumant leur première cigarette plus d’une heure après le lever et qui peuvent passer plusieurs jours sans fumer, par exemple si elles sont malades.
- Lorsqu’on suspectait une forte dépendance physique, on encourageait le client à choisir un fort dosage de nicotine. Typiquement de gros fumeurs allumant leur première clope du matin moins de 5 minutes après le réveil, ou qui appréhendent l’idée de prendre l’avion en raison de la peur du manque de nicotine.
Après avoir remplis le formulaire, effectué les tests et donné nos conseils la personne choisissait l’appareil, l’arome et le dosage de nicotine librement et nous notions le choix de la personne. En fonction de notre évaluation et du matériel / dosage choisis, nous informions le client de combien de réservoirs correspondait selon nous à leur consommation actuelle de nicotine, le but étant de commencer la vape sans effet de manque. Nous ne conseillons pas de baisser le taux de nicotine avant une période sans aucune cigarette de deux à trois mois. Le choix de baisser la nicotine est propre à chacun et nous assistons le client quel que soit son choix. Il est à noter que l’évaluation de la consommation de nicotine est très imprécise, la façon de fumer influence beaucoup la quantité de nicotine absorbée par cigarettes. Selon certaines études, la quantité de nicotine prise à chaque cigarette peut varier de 1 à 3 mg suivant comment la personne inhale, avec une moyenne de 1.3mg (roullées = le double). Le type de cigarette (légère ou forte) ne changerait en revanche pas significativement la quantité de nicotine inhalée.
Nous pensons utile d’indiquer à chaque client combien de e-liquide correspondrait selon nous à son besoins en nicotine journalier car souvent, le primo-vapoteur se plaint de devoir vapoter “tout le temps”, la vape étant moins efficace qu’une cigarette.
Après un certain temps, au minimum deux semaines mais parfois plus, nous avons envoyé un petit sondage par e-mail à ces personnes pour leur demander si elles étaient parvenues à arrêter de fumer. Nous avons collecté 350 réponses dont voici le résumé.
Résultats et Discussion
L’âge moyen des personnes qui sont venues nous voir est de 37 ans. Un peu plus d’hommes que de femmes font le pas (55% d’hommes contre 45% de femmes).
Le taux de personnes reportant avoir arrêté de fumer selon notre sondage était de 53% (Figure 1).
A l’origine, nous avons commencé ce suivi pour savoir quel taux de nicotine est le plus à même d’aider à en finir avec le tabac (Figure 2).
Il existe un courant de pensée qui recommande de forts dosages sur du matériel “mouth to lung” (MTL). Comme déjà dit, nous conseillons généralement le taux qui nous semble le plus adapté, on ne peut donc en aucun cas appliquer ces résultats en faisant l’impasse sur le “diagnostique vapologique”. Seul un test randomisé permettrait de voir si un type unique de matériel conseillé globalement à tous les primo pourrait être efficace, ce que nous ne souhaitons pas faire car selon nous cela pénaliserait nos clients.
Relation watt-dosage. Pour chaque type de vape, une fourchette de dosage nous semble adapté. Il est impossible de vapoter à un fort taux de nicotine à haut wattage (18mg/ml et 100 watt). Le tableau ci-dessous est à mettre en relation avec le matériel (Figure 3). On recommande de ne pas dépasser 6mg en DL (30W ou plus). De 8 à 13 mg/ml on recommande un tirage medium ( 15 à 25 watt). De 14 à 18mg/ml on propose un tirage MTL (max 14W) et au-delà de 18 il s’agit de sels de nicotine, dans un “POD” car la nicotine “free base” procurerait un hit trop important
Et les fumeurs ? Nous avons regardé comment se passait leur consommation. Parmi les réponses obtenues, la grande majorité sont des vapo-fumeurs (Figure 4). Cela nous fait penser que les personnes ayant abandonné la vape n’ont généralement pas répondu au questionnaire, mais nous n’avons pas d’indices à ce sujet.
Nous avons regardé le taux de personnes qui ont déclaré avoir arrêté de fumer en fonction de l’âge et du nombre de cigarettes fumées (Figures 5a et 5b). Sans surprise, plus une personne fume est plus il lui est difficile d’arrêter. Les personnes de plus de 50 ans ont plus de difficulté à arrêter que la tranche d’âge de 31 à 49 ans. Une surprise cependant, les moins de 30 ans ont de la peine à cesser de fumer. Parmi les explications possibles, l’insouciance de la jeunesse pourrait faire qu’ils sont moins conscients des méfaits du tabac, qu’ils ont plus de peine à planifier les choses et que leur motivation à l’arrêt est plus faible.
Ces temps, aux USA, la mode est à l’interdiction des arômes car ils cibleraient spécifiquement les jeunes. Voici quels arômes nos clients ont pris lors de leur premier achat (Figure 6).
Le dosage choisis change en fonction de l’âge du client. Les jeunes ont globalement plus tendance à préférer la grosse vape en DL, donc des taux de nicotine bas (figure 7). A l’inverse les personnes de plus de 50 ans ne vont choisir un faible dosage que très rarement et généralement que parce que c’est le seul type de vape qu’ils supportent.
Et ensuite ?
Nous avons parfois reçu de vives critiques de la part de confrères qui pensent que leur façon de faire est meilleure que la nôtre, que nous devrions travailler comme eux. Si une méthode devait s’avérer plus efficace qu’une autre, il est clair que chaque vendeur-conseil en vaporisateur personnel se devrait de l’adopter, d’autant que la cessation tabagique de chacun de nos clients est la meilleure publicité qui puisse exister: C’est elle qui nous amène, de la bouche d’un vapoteur à l’oreille de fumeurs, de nouveaux clients. Une des tendances en France, celle relayée entre autres par le journal Vap’You, consiste à travailler principalement en MTL à de forts taux de nicotine. A l’inverse en Suisse Romande, la tendance est de travailler avec du matériel à plus haut wattage et un taux de nicotine plus faible. Cependant à notre connaissance ces pratiques sont basées sur l’expérience et des connaissances théoriques de chacun et non sur une étude comparative chiffrée entre diverses méthodes de travail. A quel titre devrions-nous prêter plus de crédit à l’expérience d’un autre professionnel plutôt qu’à notre expérience propre ?
La présente publication a pour but de susciter l’envie d’une collaboration entre différentes boutiques. Nous souhaitons relancer une étude similaire dans un cadre élargis, en collaboration avec d’autres, avec si possible la supervision d’un scientifique de manière à améliorer notre protocole de suivis. Nous pensons que c’est la meilleure manière d’établir une méthodologie légitime et validée.
S’il était possible de définir quelle méthode de travail est optimisée, nous serions ensuite apte à créer une formation spécifique aux assiciations de professionnels suisses, étape cruciale tant pour la satisfaction de nos clients que pour la reconnaissance officielle de notre contribution à la lute contre le tabac.
Fumerolles, Nicolas Michel, le 21 février 2020.
Relecture : Jérémy Boillat