Etude Suisse sur le “cannavaping” thérapeuthique

C’est dans ces moments là que je me dis que la Suisse est un beau pays.
Alors que le petit monde de la santé publique ergote encore sur les dangers de la vape et sur son efficacité en tant qu’outil de réduction des risques liés au tabac, une équipe du CHUV menée par le Dr. Vincent Varlet a publié une étude dans le prestigieux journal “Nature” sur le Cannavaping thérapeutique.

Quoi c’est ça ?

Il ne faut pas confondre cannabis récréatif et cannabis thérapeutique. Dans le premier cas,  le cannabis récréatif, c’est une drogue et c’est interdit dans la plus part des pays. Dans le second cas, le cannabis thérapeutique (ou médical) est un médicament. Il a des vertus analgésiques,  antiémétiques, anti-spasmodiques, etc … La différence peut paraître floue car cela dépends grandement de la raison et de la manière dont il est utilisé. Nombre de médicaments (la morphine par exemple) peuvent être utilisés comme des drogues ou des stupéfiants, ce qui ne justifie pas qu’on s’en prive dans un cadre médical. En Suisse, l’OFSP a commencé à autoriser, dans certains cas spécifiques, la possibilité de soulager certains problèmes avec du cannabis. Je cite la source officielle :

 L’effet positif (du canabis) est bien étayé pour les neuropathies chroniques, les douleurs liées à un cancer, les spasmes provoqués par la sclérose en plaque, la nausée causée par la chimiothérapie, la perte de poids chez les sidéens, les troubles du sommeil et le syndrome de Gilles de la Tourette.

Le problème dans son utilisation courante est que ça oblige à fumer du cannabis, or on connais bien le danger de la combustion. Une autre façon de consommer du cannabis est de le manger mais dans ce cas, le foie va métaboliser les substances actives et donc affaiblir le résultat. De plus manger du cannabis peut être relativement mal toléré par certains patients. L’idée est donc d’utiliser la vape comme moyen de délivrer du THC aux personnes qui en ont besoins tout en évitant le danger de la fumée et les inconvénients de l’ingestion.

En bref

Une équipe de chercheurs basés dans la région lausannoise et menée par le Dr Vincent Varlet a dilué du BHO, de l’huile de cannabis, dans un liquide pour cigarette électronique. Puis ils ont fait diverses mesures. Le principal obstacle au cannavaping est que le THC à l’état basique, nommé “THC-A”, ne fait aucun effet. Pour qu’il agisse il doit être chauffé, “décarboxylé”, on le nommes alors “THC” Si quand on fume un joint la température suffit largement, en vapotant le ratio température/durée est insuffisante pour obtenir la même efficacité. L’équipe a donc mis au point une méthode de cuisson permettant de décarboxylé le e-liquide avant le vapotage et a obtenu un résultat suffisant pour un usage thérapeutique mais insuffisant pour se péter la tronche. (les doses nécessaire pour un usage thérapeutique sont faibles alors que le fumeur de joints cherche le maximum d’effets)

Mesures des VOC

Les VOC, composés organiques volatiles,  en l’occurrence les formaldéhydes, et acétaldéhydes, semblent être la principale crainte  des anti-vape. Concernant cette partie de l’étude, je pense que le matériel utilisé ne corresponds pas à ce que nous, vapoteurs confirmés, utilisons. De plus les tests ont été volontairement fait à des voltages sans-doute trop élevés pour être vapable et le matériel de test n’a pas été gouté, donc ces résultats ne sont pas véritablement transposables à notre vape. Reste qu’ils ont trouvé une quantité cumulée de formaldéhyde et d’acétaldéhyde inférieure à 1.5 µg/mg d’e-liquide. Ne me demandez pas ce que ça représente sur l’échelle du danger, parce que fondamentalement tout est question d’échelle, bien sûr.

 

Inspirations du dark web

Comme avec la vape, la science a un train de retard, elle ne fait que mesurer et analyser des pratiques totalement anarchiques qui sont déjà bien développées chez les utilisateurs. Encore plus qu’en vape, les amateurs de cannabis sont capable d’expérimentations artisanales incroyables pour se péter la tronche, étant prêt à tout pour rire un coup.  Vous pouvez lire par exemple l’article wikipedia sur le BHO cité plus haut, c’est impressionnant de voir la créativité des utilisateurs de cannabis. Les vaporisateurs d’herbe sont du reste pas nouveaux, même si ça reste cher et compliqué avec des résultats relatifs, le Volcano® par exemple existe depuis des lustres. Il vaporise l’herbe sans la brûler, ce qui est très intéressant du point de vue de la réduction des risques. Bref cette étude ne fait pratiquement qu’analyser des techniques existantes en les améliorants mais apporte une vision scientifique primordiale et un espoir pour les gens qui ne souhaitent pas se défoncer mais juste se soigner avec une méthode testée et sûre. Je trouve excellent d’imaginer que des gens qui ont de bonnes raison de consommer du cannabis puissent un jour accéder à un système médical éprouvé. Le fait que ce soit de la vape me plais particulièrement.

Concrètement

Concrètement l’équipe a choisis d’effectuer ses tests sur une CE4+ (hélas, car c’est probablement le pire des ato) avec une batterie Innokin VV allant de 3.5 à 5 volts. Puis ils ont utilisé une machine à fumer et ont poussés la batterie au voltage max, ce qui n’est pas ce qu’un vapoteur ferait avec une CE4+, mais qui donnait un meilleur taux de THC décarboxylé. Ils ont utilisé du BHO dans divers type de dilution et ont mesuré le taux de THC en sortie.

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Résultats

Si j’ai tout suivi, avec du BHO dilué à 10% dans un e-liquide, il faudrait 100 bouffées environ de 70 mL pour ressentir les mêmes effets qu’une dose de 1.5 mg injectée en intraveineux. C’est donc selon eux indiqué pour un usage thérapeutique mais trop faible pour un usage récréatif.

Questions

J’ai rencontré M. Vincent Varlet, qui est le leader de cette étude. Je le remercie au passage du temps qu’il m’ Je lui ai posé diverses questions et il m’a envoyé un mail avec les réponses que voici :

  • Le cannabis est encore un sujet un peu tabou, il est classé comme stupéfiant. Avez-vous mené votre étude de manière à limiter l’efficacité de vos résultats afin de démontrer la possibilité d’un usage médical tout en décourageant l’usage récréatif ?
    – Non
  • Le principal problème du cannavaping, quand on lit votre étude, semble être la transformation de THC-A en THC décarboxylé. Quand j’étais jeune, certains copains consommaient des yoghurt contenant du haschich. La préparation n’était pas cuite et pourtant ils semblaient passablement groggy. Est-ce que le haschich est déjà décarboxylé ou est-ce que le THC-A fait tout de même un effet, mais pas celui recherché dans un usage thérapeutique ?
    – La réponse est ici.
    En substance, Vincent Varlet m’a expliqué qu’il a travaillé avec du BHO et non avec du haschich et donc ne peut répondre que concernant ce qu’il a étudié – mesuré.
  • Vous avez utilisé un CE4+ et un mod Innokin à voltage variable. Les CE4 datent de début 2011 environ, c’est donc désuet et ça ne me semble pas représentatif de ce qui est utilisé actuellement par la majorité des vapoteurs. Pourquoi ne pas avoir choisis un système avec contrôle de température qui vous aurait permis d’évaluer les teneurs en THC décarboxylé à diverses températures de façon simple tout en gardant un confort de vape réaliste et actuel ?
    – Cette étude a été menée en 2013-2014. C’était l’entrée de gamme à l’époque…. Puis le temps de faire l’étude, d’écrire la publication et qu’elle soit publiée, le temps file et notre modèle d’étude devient dépassé par les nouveautés…
  • Que représente, en terme de dangerosité, les quantités d’aldéhydes mesurés comparés par exemple à une cigarette fumée ou mieux, à un plat de rösti bien grillé ?
    – Largement moindres
  • Que pensez-vous des atomiseurs à BHO, ces petites cuves de céramiques ? A quelle température est-ce que ces appareils fonctionnent ? Pensez-vous qu’il y ait un risque de bronchite lipidique en raison de l’aspect gras du BHO ?
    – On connaît mais n’a pas testé. Nous nous sommes restreints à trouver une forme intéressante d’administration de cannabis thérapeutique plutôt qu’étudier l’efficacité/dangerosité du dabbing de BHO.
    Note : lors de notre discussion le Dr. Varlet a confirmé ce que je supposais, à savoir que ces petits atomiseur à huile sont dangereux. Les effets du BHO sont 20 à 30x plus violents que ceux d’un joint, on se prends une ou deux taff de BHO pur et on est HS pour 4 heures. Il est nettement préférable de le diluer et c’est ce qu’il a fait dans son étude.
  • Vous dites que vos résultats démontrent que le cannavaping n’est pas assez efficace pour une utilisation de type récréative, cependant vous utiliser une CE4+. Ne pensez vous pas qu’un amateur arrivera à ses fins en vapotant avec du plus gros matos et à haut voltage ? (le genre de drippers qui descends 1ml en 10 taff)
    – Si, bien sûr. C’est pourquoi le mésusage de ces e-instruments pose un problème de santé publique majeur.
  • Vous semblez attacher une importance particulière à l’élaboration d’une méthode calibrée qui garantisse un résultat stable selon un certain nombre de bouffées. Pensez-vous qu’il n’est pas possible de faire simplement confiance à l’utilisateur, lequel devrait pouvoir sentir le dosage dont il a besoins ?
    – Non, comme pour tout médicament, nous recommandons de définir une posologie, c’est pourquoi des tests cliniques doivent être entrepris.
  • Quel est la suite de votre travail, allez vous tenter de poser un brevet, chercher un partenariat avec une pharma ou développer un produit ?
    – Nous nous contentons actuellement d’observer les réactions des acteurs de la santé publique.

Source : Varlet, V. et al. Drug vaping applied to cannabis: Is “Cannavaping” a therapeutic alternative to marijuana? Sci. Rep. 6, 25599; doi: 10.1038/srep25599 (2016).

1 réflexion sur « Etude Suisse sur le “cannavaping” thérapeuthique »

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